Quand l’élévation du niveau des mers redéfinit nos priorités architecturales
- DAC

- 4 mai
- 4 min de lecture

Chers Lecteurs,
Il y a des phénomènes qui ne relèvent plus du futur mais du présent. La montée des eaux en fait partie. Littoraux qui s’érodent, îles qui disparaissent, quartiers entiers régulièrement inondés… Le changement climatique redessine notre rapport à l’habitat, à la ville, au sol même sur lequel nous construisons. En tant qu’architectes, designers, urbanistes ou habitants, nous sommes confrontés à une question cruciale : comment bâtir dans un monde où l’eau gagne du terrain ?
Pourquoi les eaux montent-elles ?
La montée des eaux est principalement liée au réchauffement climatique. Deux phénomènes se conjuguent :
La fonte des glaces (pôles, glaciers terrestres), qui augmente directement le volume d’eau dans les océans.
La dilatation thermique de l’eau : plus elle se réchauffe, plus elle occupe de volume.
Résultat : selon le GIEC, le niveau moyen des mers pourrait s’élever de 0,6 à 1,1 mètre d’ici la fin du siècle. Cela peut sembler abstrait, mais concrètement, cela signifie des millions de déplacés climatiques, des villes partiellement englouties, et une pression énorme sur les infrastructures côtières.
Quelles sont les zones les plus exposées ?
Les régions littorales, les deltas, les mangroves, les îles basses sont en première ligne. Mais en réalité, aucun territoire n’est totalement à l’abri : même des villes situées en altitude peuvent connaître des remontées de nappes phréatiques ou des crues fluviales aggravées. En Afrique, les zones urbaines en pleine expansion comme Lagos, Abidjan, Dakar ou San Pedro deviennent particulièrement vulnérables.
San Pedro : une étude de cas
Située entre lagune, fleuve et océan, San Pedro, en Côte d’Ivoire, est emblématique de ces villes africaines aux prises avec un environnement instable. Urbanisée à partir des années 1970 autour d’un projet portuaire, la ville s’est étendue vers des zones marécageuses à très faible pente. Ces terrains, densément peuplés, sont devenus des zones à haut risque d’inondation, aggravées par l’imperméabilisation des sols, l’absence de drainage et l’intensification des pluies.
Les conséquences sont connues : inondations meurtrières, pertes matérielles, habitats précaires. Dans ces conditions, l’architecture ne peut plus se limiter à être esthétique ou fonctionnelle : elle doit devenir adaptative, préventive, résiliente.
L'architecture une réponse à ces enjeux
Face à ce phénomène, l’architecture n’a pas d’autre choix que de s’adapter. Plusieurs pistes, inspirées du passé ou des innovations contemporaines, s’offrent à nous :
Construire sur pilotis : technique vernaculaire ancestrale, encore visible dans les villages lacustres d’Afrique de l’Ouest comme Ganvié (Bénin), réinterprétée aujourd’hui dans des projets contemporains pour éviter le contact direct avec les eaux.
Les Bâtiments flottants : comme la Floating School de Makoko (Nigeria) de Kunlé Adeyemi ou les maisons amphibies des Pays-Bas, ces architectures mobiles flottent au rythme des inondations au lieu de les subir.
Une Renaturation urbaine : désimperméabilisation des sols, restauration des zones humides, création de corridors écologiques urbains pour absorber les excès d’eau et ramener la nature dans la ville.
L'Utilisation de matériaux résilients : bois traité, bambou, composites biosourcés, matériaux capables de sécher, respirer, être démontés et réparés.
La réduction de l’emprise au sol : construire en hauteur, penser la densité autrement, mutualiser les espaces pour réduire la vulnérabilité collective.
Une Protection en dur : L'utilisation d'infrastructures solides comme des digues ou des murs pour bloquer la mer.
L' Adaptation fondée sur les écosystèmes : Utilisation de la nature (ex. : mangroves) pour atténuer les effets de la montée des eaux.
Tiny House flottante : vers une architecture de l’adaptation
Dans cette logique, nous avons imaginé une Tiny House flottante, conçue pour s'adapter à son environnement. Pensée comme un prototype accessible et reproductible, elle s’inspire directement :
des traditions lacustres africaines,
des expériences contemporaines comme l’Arcadia School au Bangladesh, qui combine résilience climatique et autonomie énergétique, et de la volonté de reconnecter l’architecture aux contraintes et aux opportunités du terrain.
Notre Tiny House flottante ne cherche pas à être une réponse universelle. Elle est une expérimentation modeste mais nécessaire, qui assume la cohabitation avec l’eau :

Une structure en bois local traité et en matériaux légers,
Un système flottant intégré au plancher,
Une autonomie partielle en énergie et en eau.
Elle est conçue pour les familles déplacées par les inondations, les jeunes en situation de précarité, ou encore comme espace communautaire temporaire dans les zones sensibles. Plus qu’un abri, c’est un manifeste architectural.
Et maintenant ?
Ce projet s’inscrit dans une démarche plus large que nous portons au sein de DAC : lier architecture vernaculaire, durabilité, et adaptation aux réalités climatiques. À l’heure où l’eau redessine les territoires, il est urgent de repenser nos manières d’habiter. Non pas pour reproduire les modèles du Nord, mais pour inventer, depuis l’Afrique, des architectures capables d’absorber les chocs, de dialoguer avec les éléments, de rester vivantes.
Nous croyons que ces défis sont aussi des opportunités. Celle de revaloriser les savoirs locaux, de reconstruire du lien avec nos milieux naturels, et d’oser expérimenter.
Vos retours, vos critiques, vos idées nourrissent cette réflexion collective.
Ensemble, imaginons une architecture qui flotte… sans jamais dériver de notre identité.
Avec toute notre considération, L’équipe DAC.







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